Plongée dans l’histoire de notre Tour
La situation géographique, l’histoire et la renommée de l’abbaye de Saint-Amand la placent dans un contexte dépassant nos frontières. Au XVIIème siècle, elle était une des plus belles et des plus vastes au Nord de l’Europe. Elle n’avait aucun caractère commun des monuments de cette époque.
L’histoire de l’abbaye commence avec le moine Amand, évangélisateur aquitain des Pays-Bas et évêque de Maestricht, à qui le roi Dagobert donne un lieu situé entre deux rivières : la Scarpe et l’Elnon. Amand y élève deux oratoires au VIIe siècle, puis un monastère qui prend le nom d’Elnon et qui fut, à plusieurs reprises, remanié et reconstruit notamment après l’incendie de 1088. Il meurt à l’abbaye où il est inhumé vers 660-675.
Dans ce pays de marécages et d’épaisses forêts, les moines poursuivent leur œuvre de défricheurs et de bâtisseurs.
Dès le IXème siècle, l’abbaye bénédictine brille d’un éclat incomparable grâce à son illustre scriptorium et par la présence de moines savants et lettrés.
L’abbaye subit successivement des pillages, des destructions, des incendies, notamment celui de 1088, jusqu’aux travaux de l’abbé Nicolas Dubois au XVIIème siècle qui arrive à la tête de la communauté religieuse.
Le moine missionnaire Amand a fondé le monastère d’Elnon. Nicolas Dubois, lui, consacre sa longue prélature de 52 années à le transformer et à l’agrandir de telle manière que c’est une véritable demeure princière, formant un carré de 180 mètres de côté, entouré d’eau, comprenant une vaste église, précédée d’une tour-porche.
L’entrée principale, l’Echevinage, (Images de l’Echevinage) donne accès à une cour au-delà de laquelle se déploient somptueusement le monastère, le quartier de l’abbé, le quartier des hôtes et les nombreux bâtiments conventuels comme l’attestent les 17 dessins originaux conservés au musée municipal.
Déconstruction
L’abbaye est déclarée propriété nationale en 1789. Les biens du clergé sont mis à la disposition de la Nation. En 1796/98, l’abbaye est vendue comme bien national, plusieurs adjudicataires amandinois la détruisent par explosion et l’utilisent comme carrière : les pierres sont vendues comme pierres de construction et utilisées dans toute la ville de Saint-Amand au début du 19ème siècle.
Heureusement, Mathieu Dumoulin, amandinois d’origine, ancien avocat au Parlement de Flandre, puis président du district pendant la période révolutionnaire, réussit en 1794 à sauver la Tour abbatiale et l’Echevinage en obtenant qu’ils soient réservés comme monument public par le domaine lors de la vente des biens nationaux. Dès cette époque, les citoyens amandinois se sont appropriés les anciens symboles du pouvoir des abbés en reconnaissant à la fois la valeur architecturale et le rôle municipal de ces deux monuments.
2004 – 2012
L’œuvre de restauration, chantier de grande ampleur
Le parement en pierre d’Avesnes-le-Sec s’était fortement dégradé durant les années 1920 jusqu’à 1960, époque où les activités industrielles et minières étaient à leur plein développement. Le phénomène de percolation lié à la pollution atmosphérique et de nombreuses fissures avaient entraîné une desquamation accélérée des parements.
L’édifice, exposé aux vents et à la dégradation chimique liée aux déjections des volatiles, se ruinait et devenait dangereux pour le public. Des chutes régulières de matériaux étaient susceptibles d’entraîner la disparition partielle voire totale d’un registre d’architecture avec son décor.
C’est ainsi que la municipalité de Saint-Amand-les-Eaux s’est lancé dans un long combat, avec notamment une grande campagne de sensibilisation nationale « Ma Tour vaut le Détour ». Le Ministère de la Culture, la Direction Régionale des Affaires Culturelles, la Région du Nord-Pas-de-Calais, le Département du Nord, l’Europe et la Ville ont ainsi pu financer cette restauration d’ampleur inédite qui dura 8 années. Des travaux d’envergure furent menés : réouverture en façade d’une baie vitrée et dégagement de la perspective du Temple de Jérusalem qui a fait l’objet d’une véritable prouesse technique, remise en état et dorure des girouettes, remplacement des anciennes menuiseries et pose de vitraux à cives, restauration, remplacement ou nettoyage des pierres de l’édifice, des éléments architecturaux sculptés et des statues, protection des parties en saillie, installation de systèmes d’évacuation des eaux pluviales, remise en peinture de l’horloge… toutes les compétences ont été sollicitées pour rendre son faste d’antan au monument.
Située sur la Grand-Place de Saint-Amand-les-Eaux, la Tour abbatiale, massif occidental de l’abbaye bénédictine appelé la Tour Saint-Etienne, haute de 82 mètres, forme un vaste carré de 14m sur 15m.
Il est constitué de deux tourelles d’escaliers et surmonté d’une tour-clocher.
Cet édifice reprend un parti médiéval ou carolingien comprenant une chapelle haute voûtée au premier étage qui correspond à l’actuelle salle des collections permanentes du musée alors que le rez-de-chaussée sert de porche à la nef de l’église qui abrite désormais la salle d’exposition temporaire du musée.
Les deux salles comportent un vide circulaire servant à hisser les cloches jusqu’au sommet central qui abrite le carillon et ses cloches ainsi que l’horloge.
La Tour avait pour fonction, entre autres, de régler la vie de la communauté monastique mais également de rythmer la journée des habitants de la ville.
A l’instar des architectes baroques, l’abbé Dubois n’a pas tenu compte des règles des Anciens quant aux proportions des composantes des ordres du monument, donnant aux colonnes trop peu de hauteur. Il n’a retenu que le principe de la superposition des cinq ordres :
- l’ordre toscan au premier niveau du rez-de-chaussée
- l’ordre dorique et l’ordre ionique aux deuxième et troisième niveaux avec les socles de colonnes ornés de têtes de lions
- l’ordre corinthien avec les socles ornés de têtes de taureaux au quatrième niveau
- l’ordre composite rassemblant les socles avec des décors d’aigles et des chapiteaux à têtes d’ange au cinquième niveau.
(photos)
De nombreuses statues, souvent décapitées en 1789, ornent le monument.
Sur la façade principale, un décor en trompe-l’œil évoquant le temple de Jérusalem orne les deuxième et troisième niveaux et se prolonge par une représentation de la Cène sculptée sur un tympan, surmonté d’un phylactère.
Au-dessus s’ouvre une gloire circulaire abritant la statue en ronde bosse de l’Eternel.
Les motifs ornementaux sont répandus à profusion sur la surface du frontispice. Une exubérance se lit dans l’énumération des motifs et de l’ensemble du décor. Ce répertoire ornemental est celui alors en vogue dans les Provinces des Pays-Bas restées espagnoles et catholiques.
Au cœur, le Musée municipal
Dans la grande salle du rez-de-chaussée, sous une voûte sculptée en pierre de motifs de rubans enroulés, masques fantastiques et moulures saillantes, d’une rare beauté, sont présentées les expositions temporaires.
L’escalier situé dans la tourelle Nord, qui mène à l’étage, semble avoir été construit à la fin du XIe siècle (au XVIIe siècle, l’abbé Dubois, à l’origine de la réhabilitation de l’abbaye bénédictine, ayant estimé que cette partie du bâtiment était suffisamment robuste, l’aurait inclut dans la construction neuve).
Les deux salles latérales du 1er étage offrent un panorama complet de la production de céramique amandinoise du XVIIIe siècle au XXe siècle. La fabrication de faïences était une activité de renom à Saint-Amand, il était tout à fait logique que celles-ci tiennent une place importante dans ce lieu tant en raison de leur valeur artistique que pour leur richesse en tant que patrimoine culturel local.
Des faïences issues de deux manufactures sont présentées : celle de Desmoutiers et surtout, celle des Fauquez qui surent inventer des décors originaux en jouant de la technique du « biancosoprabianco ». À celles-ci s’ajoutent des manufactures qui étaient en activité aux XIXe et XXe siècles et qui montrent l’évolution des productions, ainsi que quelques oeuvres de céramiques contemporaines d’artistes de renommée acquises au fil des années.
La salle centrale est consacrée à l’art religieux avec des peintures et sculptures du XVIe au XVIIIe siècle, incluant celles issues de l’abbaye de Saint-Amand. Des cloches et ancien clavier rappellent que la Tour abbatiale possède en son sommet un carillon de 48 cloches et des ritournelles qui ponctuent le temps tous les quarts d’heure.
Le Carillon
Saint-Amand-les-Eaux fut, de tout temps, un lieu où « chante » un carillon vivant.
C’est d’ailleurs la première ville de France à s’être préoccupée de former des carillonneurs en créant à l’Ecole de Musique une classe de carillon.
Accroché au faîte de la Tour abbatiale, le carillon amandinois est le plus spectaculaire de la région. L’architecture de ce monument colossal a même été conçue en fonction des cloches du carillon : du rez-de-chaussée au sommet, des vides circulaires, une trémie et un treuil permettent de monter les cloches à l’intérieur du monument.
L’horloge du XVIIe siècle avec son impressionnant tambour de ritournelles constitue l’ultime étape avant d’accéder à la cabine du carillon et aux 48 cloches qui le composent.
Rénové et agrandi en 1949-50 par Paccard, complété par Sidonie, cloche Cornille Havard en 1984 et complètement restauré et réinstallé en 1986-87 par Eijsbouts, le carillon dont la tradition ne s’est jamais perdue à Saint-Amand-les-Eaux, offre une excellente musicalité aux maîtres-carillonneurs amandinois et internationaux (accès non autorisé pour les visiteurs).
Depuis 2012, les Carillonnades (Festival international de Carillon) organisées autour du 15 août, rencontrent un vif succès et mettent en valeur le patrimoine campanaire de la ville.
Collections des manuscrits de la Tour
GALERIE
Crédits photos
Musée de Saint Amand les Eaux – Gonzague Delmer – Pierre Gaumeton